Alors que l’on croyait que le confit et l’impasse politique allaient prendre fin avec l’annonce de la ceinture politique et parlementaire qu’Elyes Fakhfakh prétend avoir réussi à entourer son prochain gouvernement, un nouveau rebondissement dans le processus de formation du nouveau gouvernement intervient pour nous rappeler que nous sommes bien loin d’avoir trouvé le consensus. En effet, la dernière position du parti Ennahdha semble avoir changé radicalement la donne et placé le chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh devant sa première épreuve politique de taille: intégrer le parti Au Cœur de la Tunisie, ou perdre le soutien d’Ennahdha, première force parlementaire.
«Elyes Fakhfakh doit chercher la légitimité de son gouvernement dans le Parlement et non pas au Palais de Carthage», a haussé le ton, hier, le président du Conseil de la choura d’Ennahdha, Abdelkarim Harouni, pour appeler Elyes Fakhfakh à s’ouvrir à tous les partis politiques dont notamment Au cœur de la Tunisie. Résultat : le processus de la formation du gouvernement se dirige davantage vers un nouveau blocage politique et un bras de fer peut être engagé entre Ennahdha et le chef du gouvernement désigné.
Réuni dimanche, le Conseil de la choura a appelé dans ce sens le chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh à élargir les concertations aux différents groupes parlementaires, conformément à la lettre de désignation qui lui a été remise par le Président de la République. L’objectif étant, selon Ennahdha, de parvenir à la formation d’un gouvernement d’Union nationale à vocation sociale-démocrate.
Il a recommandé également au bureau exécutif du parti à se préparer à tout imprévu, y compris l’éventualité de la tenue d’élections anticipées, et de maintenir la réunion de la Choura ouverte, selon une déclaration publiée dimanche. Ennahdha est-il en train de menacer le chef du gouvernement désigné et toute la classe politique de refaire les élections ?
Pour le président du Conseil de la choura, il ne s’agit pas de menaces, mais d’un scénario bien réel si le chef du gouvernement désigné persiste à former son gouvernement à partir de seulement quatre partis. «Nous ne menaçons personne, mais nous ne voulons pas refaire les mêmes erreurs du passé, le temps de l’exclusion politique est révolu, aujourd’hui nous avons besoin d’un gouvernement d’Union nationale avec une ceinture politique élargie pour trouver un consensus politique qui assure également une stabilité politique afin de faciliter le travail du nouveau gouvernement», a-t-il noté, lors d’une conférence de presse tenue hier, affirmant que «si Fakhfakh persiste dans sa position, nous persisterons à notre tour».
Condition sine qua non
Donc pour résumer la situation, même si le parti Ennahdha ne l’a pas affirmé explicitement en appelant à un gouvernement d’Union nationale, il pose la condition de faire participer le parti de Nabil Karoui pour prendre part à la formation du gouvernement et lui accorder sa confiance au Parlement. Ainsi l’actuel paysage politique ressemble plus à un bras de fer engagé entre Ennahdha, première force parlementaire, et le chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh, dont l’aboutissement sera dévoilé lors des prochains jours des négociations qui s’annoncent délicates et périlleuses pour toutes les parties.
Mais que se cache-t-il derrière cette position inflexible exprimée par le parti de Rached Ghannouchi ? Pourquoi le parti Ennahdha force la main pour faire participer Au cœur de la Tunisie dans ce processus ?
Si Ennahdha vise à élargir la coalition gouvernementale et la ceinture politique du prochain gouvernement, il tend également à affaiblir l’opposition parlementaire. Le principal objectif étant donc d’isoler le Parti destourien libre de Abir Moussi dans une opposition affaiblie afin de limiter son influence sur la scène politique.
Le parti Ennahdha vise également à limiter l’influence et l’implication du président de la République Kaïs Saïed qui semble avoir largement gagné du terrain ces derniers jours et pris les commandes de la scène politique. D’ailleurs, le choix d’Elyes Fakhfakh pour former le prochain gouvernement s’est fait, selon nos informations, sur la base d’un compromis bien clair : aucune place pour Au cœur de la Tunisie dans le prochain gouvernement.
En tout cas, à la lumière de cette nouvelle condition posée par le parti Ennahdha qui va, sans aucun doute, impacter les négociations portant sur la formation du gouvernement, la réaction du chef du gouvernement désigné se fait attendre. Va-t-il céder aux pressions du mouvement Ennahdha ou fera-t-il cavalier seul et retrouver le même sort de Habib Jemli ? Les positions des autres partis formant la nouvelle coalition gouvernementale ne devront plus tarder également.
Pour rappel, le chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh avait déclaré vendredi dernier avoir entamé la constitution du soutien politique du futur gouvernement en comptant sur les parties qui ont voté lors du second tour de l’élection présidentielle en faveur des valeurs défendues par le président Kaïs Saïed.
Liberte
28 janvier 2020 à 11:20
Hélas il n’y pas que ça qui brûle